navbar

table des matières

andrew cohen

duane elgin

brian swimme

brian swimme
à propos de
teilhard de chardin

roshi bernie glassman

ma jaya sati bhagavati

vimala thakar


S’Eveiller à une revolution totale
l'éveil et la crise de la planète






S’Eveiller A Une Revolution Totale
En un temps où la question de la survie de l’espèce humaine est devenue une préoccupation majeure, entretenir le statu quo revient à coopérer avec l’absurde, voire à contribuer au chaos. Lorsque les ténèbres recouvrent l’esprit de l’homme il est urgent pour ceux qui se sentent concernés de s’éveiller, de s’engager sur la voie d’une révolution.
L’habileté de l’esprit humain nous a menés droit vers une crise complexe, globale et terrifiante à laquelle nous sommes maintenant confrontés. Les solutions courantes, fondées sur une perspective limitée de ce qu’est l’être humain, échouent l’une après l’autre, et se révèlent tragiquement inadaptées. Pourtant nous mobilisons d’énormes ressources au profit de solutions inadéquates, pariant sur le fait que si nous les développons sur une échelle assez grande, ces solutions caduques pourront répondre aux nouveaux défis de façon satisfaisante. Avons-nous le courage de regarder nos échecs en face et de les reléguer dans le passé ? Avons-nous la vitalité nécessaire pour aller au-delà d’une perspective étroite et conditionnée, afin de nous ouvrir à la totalité, à la plénitude ? L’appel d’aujourd’hui est un appel à dépasser les cloisonnements, à nous éveiller à une révolution totale.
Cet appel n’est pas en faveur des vieilles recettes révolutionnaires ; elles ont échoué, alors pourquoi les ressortir à nouveau, même parées d’une nouveauté factice ? Le défi d’aujourd’hui est de créer une révolution vitale et complètement nouvelle qui embrasse la vie toute entière. Nous n’avons jamais osé nous ouvrir à la plénitude de cette vie dans toute sa splendeur sacrée ; nous nous sommes contentés d’en perpétuer des fragments, d’isoler des zones dans lesquelles nous nous sentons en sécurité d’un point de vue intellectuel et à l’aise sous l’angle émotionnel. Nous aurions même pu préserver nos petits espaces privés et rassurants si nous n’avions pas, par la même occasion, causé ce terrible gâchis en tentant à toute force de fragmenter l’intégrité du cosmos en morceaux minuscules. Nous avons créé un affreux chaos et tentons de démêler une situation très complexe en combinant les remèdes les plus superficiels sans aucun souci de cohérence.
Aujourd’hui, nos existences marquées par les blessures de nos échecs, et nos esprits alourdis par la peur de l’avenir, nous ne pouvons plus poursuivre le jeu dangereux du cloisonnement. Nous ne pouvons plus écarter l’évidence du lien universel qui nous rattache les uns aux autres, égaux dans l’unité. La science et la technologie nous ont rapproché dans des relations intimes avec tous les autres. Nous sommes une seule et même famille humaine, une famille qui n’a pas encore appris à vivre en paix, à vivre libérée de la violence et de l’asservissement. C’est au début du siècle dernier que Bertrand Russell écrivait : « L’homme sait voler dans les airs comme un oiseau, il sait nager dans l’eau comme un poisson, mais il ne sait pas vivre parmi ses frères. »

Penetrer les Racines du Conflit
Bien que notre survie même soit en question, nous avons tendance à n’envisager cette crise que sous un jour superficiel, sur un plan émotif et sentimental. Nous avons cherché de façon subtile à rejeter notre profonde responsabilité dans la situation de la famille humaine. Nous nous percevons, nous mêmes ou le petit groupe auquel nous nous identifions, comme des gens sincères, aimant la paix, tandis que nous rejetons sur le monde extérieur, sur les autres, sur les méchants assoiffés de pouvoir, la responsabilité des guerres et de la violence.
Mais comment pouvons-nous continuer à penser ainsi, alors que nous appartenons à des sociétés qui sont préparées à la guerre ? Cependant, c’est bien ce que nous faisons. Chaque jour, la télévision, la radio nous apprennent l’existence de nouvelles guerres, de massacres dans tel ou tel pays, et nous ressentons l’absurdité qu’il y a dans le fait même de se lancer dans une guerre ; nous nous demandons pourquoi politiciens et hommes d’Etat n’ont pas assez de bon sens pour mettre un terme à tout ce gâchis. Telle est peut-être la réaction de tout citoyen sensé. Mais qui déclare la guerre ? Où sont les racines de l’agression ? Ne les trouve-t-on que dans l’esprit d’une poignée d’individus gouvernant leurs pays respectifs ? Ou bien trouve-t-on ces racines dans les systèmes - économiques, politiques, administratifs, industriels - que nous avons créés et avons fait perdurer depuis des siècles:? Si nous ne nous perdons pas dans le romantisme et la sentimentalité, si nous ne nous contentons pas de réactions émotives pour exprimer à quel point les guerres sont affreuses, mais si nous allons plus profond, ne découvrirons-nous pas le noyau de la guerre au cœur des structures que nous avons acceptées ?
Cette découverte montrera qu’il existe des structures et des systèmes qui sont inévitablement porteurs des germes de l’agression, de l’exploitation et de la guerre. Nous avons accueilli l’agression comme mode de vie. Nous créons et nous nous retranchons derrière des structures qui aboutissent au conflit. Il est impossible de conserver les structures, et d’éviter les guerres. Vous et moi, individuellement, devons réaliser notre degré de responsabilité, comprendre comment nous coopérons avec ces systèmes et, de ce fait, participons à la violence et à la guerre. Il nous faut alors réfléchir à la question de savoir si nous pouvons cesser de collaborer avec le système, si nous pouvons cesser de participer à la guerre et explorer une manière toute différente de vivre pour nous-mêmes ?
Nous devons plonger aux racines du problème, au coeur de la psyché humaine, et reconnaître que l’action sociale collective trouve sa genèse dans l’action menée par l’individu. On ne peut pas séparer l’individu de la société. Nous sommes chacun porteur de la société lorsque nous cautionnons les valeurs défendues par elle, lorsque nous avalisons les priorités définies en notre nom par les gouvernements, les Etats, les partis politiques. Nous sommes le reflet de la collectivité, reproduisant le schéma créé pour nous, et nous sommes satisfaits parce qu’on nous donne la sécurité physique et économique, le confort, les loisirs et le divertissement. On nous a appris à être obsédés par l’idée de sécurité ; l’appréhension du lendemain nous hante bien plus que la conscience de la responsabilité d’aujourd’hui.

Au-Dela du Morcellement
C’est seulement si nous avons le désir profond de regarder ces faits désagréables en face que nous pourrons avancer. Mais si nous nous laissons aller à l’apitoiement sur nous-mêmes, à la dépression, une telle attitude peut nous conduire au cynisme vis-à-vis des autres et du système. De plus, libérer une énergie si négative n’aidera en aucun cas à résoudre les problèmes. Nous devons nous en tenir aux faits tels qu’ils sont. Que cela nous plaise ou non, nous sommes les acteurs responsables de tout ce qui se passe dans le monde.
Si nous permettons à la violence de résider dans notre coeur, rien ne nous distinguera d’une personne qui veut la guerre; si, psychologiquement, nous donnons libre champ à la violence, nous devenons participants. Si nous avons réellement le désir d’en finir avec la guerre, nous allons devoir explorer en profondeur la psyché humaine, à l’endroit où la violence, l’ambition et la jalousie sont puissamment ancrées ; sinon, nous ne pourrons pas sortir de ce chaos. Un échec dans ce domaine équivaudrait à nous condamner à répéter éternellement les lamentables erreurs du passé. Nous devons nous rendre compte que l’intérieur et l’extérieur s’interpénètrent subtilement en une totalité, et que nous ne pouvons faire face à l’un sans faire face à l’autre. Structures et systèmes conditionnent notre conscience intime, tandis que les conditionnements de notre conscience donnent vie aux structures et aux systèmes. Nous ne pouvons isoler une seule facette de la relation, lui donner un aspect brillant, et ignorer le reste. La puissance des conditionnements sociaux est si fortement ancrée qu’elle ne permet pas qu’on l’ignore.
On trouve traditionnellement deux approches distinctes ; l’une prend pour perspective le domaine social, économique et politique et affirme : « Vous voyez bien qu’à moins de résoudre les problèmes économiques et politiques, il n’y aura jamais ni bonheur, ni paix, ni terme à la souffrance. Il y va de la responsabilité de chacun de s’engager à résoudre ces problèmes selon une idéologie ou une autre. Il n’est pas important de se tourner vers la vie intérieure et ses déséquilibres, ses impuretés, cela peut attendre parce qu’il s’agit d’une activité égotiste, centrée sur soi. La vraie responsabilité est vis-à-vis de la société, de l’espèce humaine : laissez donc de côté toutes ces questions de méditation, de silence, de transformation intérieure à visée révolutionnaire, tous ces raisonnements sophistiqués. Tournez-vous d’abord vers ce qui est important. » L’autre approche affirme : « on ne peut pas résoudre les problèmes politiques et économiques si on ne transforme pas radicalement l’individu. Concentrez votre attention sur votre mutation psychologique, sur une révolution intérieure radicale. Quant aux problèmes économiques ou sociaux, ils peuvent attendre. »
Classiquement, les gens suivent l’une ou l’autre de ces approches: soit les groupements religieux axés sur le développement intérieur et la révolution intérieure, soit les groupements humanitaires axés sur l’action sociale. Traditionnellement, nous avons créé des limites et l’exploration au delà de ces territoires bien connus n’a été que superficielle ; les activistes sociaux ont délimité leur terrain d’action : la vie extérieure (le socio-économique, les structures politiques), et les groupes religieux ont délimité le leur – le monde intérieur des dimensions plus vastes de la conscience, les expériences transcendantales et la méditation. Les deux groupes ont fait preuve de mépris l’un vis-à-vis de l’autre au fil de l’histoire. Les activistes considèrent les chercheurs spirituels comme des gens qui s’apitoient sur leur sort, tandis que les ‘spirituels’ accusent les activistes de se perdre dans la course à l’action, niant l’essence de la vie. Les maîtres spirituels traditionnels eux-mêmes ont divisé la vie entre ce qui appartient au monde extérieur et ce qui appartient à la spiritualité, insistant sur le fait que le monde n’est qu’illusion. « Ce monde est maya, il n’est qu’apparence » disent-ils. « Ainsi, toutes vos actions doivent-elles être reliées à la vérité suprême, non à la maya ». Ce qui implique qu’une personne dite religieuse peut rester assise en méditation dix heures par jour et n’être en rien concernée par la tyrannie, l’exploitation et la cruauté qui l’entourent. Elle n’a qu’à dire : « Je ne suis pas responsable, seul Dieu est responsable. Dieu a créé le monde. Il ou Elle n’a qu’à s’en occuper. »
Il y a bien eu quelques mélanges superficiels - on a vu des groupes religieux entreprendre des actions de service social et des activistes rejoindre des organisations religieuses - mais aucune intégration réelle qui soit profonde et innovante, de l’action sociale et du spirituel n’a pas encore eu lieu de façon significative. L’histoire du développement humain a été fragmentaire, et la majorité d’entre nous s’est accommodée de ce morcellement. La société l’a ratifié. Chaque parcelle de la société fonctionne selon ses propres échelles de valeurs. Chez beaucoup d’activistes, la colère, la haine, la violence, l’amertume et le cynisme sont des valeurs admises même si l’efficacité de telles motivations pour créer un monde de paix a été sérieusement mis en question. Et on a vu des générations de chercheurs spirituels rester complètement indifférents aux besoins des plus pauvres, parce que la recherche d’états de conscience plus élevés leur semblaient beaucoup plus importante que la misère des populations affamées.
Un nouveau défi nous attend à l’aube du vingt et unième siècle : aller au-delà de la fragmentation, au-delà des systèmes de valeurs incompatibles - même s’ils ont été élaborés par des gens sérieux ; grandir, être prêt à dépasser notre approche auto-satisfaite, nous ouvrir à la vie complètement, accueillir une complète révolution. A notre époque, être un chercheur spirituel dénué de conscience sociale est un luxe que nous ne pouvons guère nous permettre, et se dévouer à une cause sociale sans une compréhension scientifique des mécanismes du mental est pure folie. Aucune de ces approches fragmentaires n’a jamais été couronnée de succès. Nul doute qu’il faudra au chercheur spirituel faire un effort pour développer sa conscience sociale, ou à l’activiste pour se persuader de la crise morale que traverse la psyché humaine, et de l’importance de la vigilance quant à la vie intérieure. Le défi qui nous attend est de plonger encore plus profond, en tant qu’êtres humains, d’être prêts à abandonner nos partis pris et nos préférences, à étendre notre compréhension à l’échelle la plus globale, intégrant ainsi la totalité de la vie ; devenir conscients, enfin, de cette plénitude dont nous sommes une manifestation.
C’est en approfondissant notre compréhension que disparaissent les divisions arbitraires entre intérieur et extérieur. L’essence de la vie, sa beauté, sa grandeur résident dans cette totalité. Dans la réalité, la vie ne saurait être divisée entre intérieur et extérieur, l’individu et le social. Il se peut que nous créions ces divisions arbitraires pour les besoins de la vie en société, pour les besoins de l’analyse, mais sur le fond, aucune division entre intérieur et extérieur n’a de signification ni de réalité.
Nous avons accepté un cloisonnement étanche de la société, le morcellement de la vie non seulement comme un fait mais comme une nécessité. Nous vivons en relation avec ces fragments et acceptons les divisions internes - les différents rôles que nous jouons, les systèmes de valeurs contradictoires, les motivations opposées et les priorités - comme la réalité. Nous sommes dans la confusion intérieurement ; nous croyons que l’intérieur est fondamentalement différent de l’extérieur, que le ‘moi’ est tout à fait séparé de ce qui n’est pas moi, que les divisions entre individus et nations sont nécessaires ; et pourtant, nous nous demandons pourquoi il y a des tensions, des conflits et des guerres dans le monde. Les conflits naissent dans les esprits qui croient à la fragmentation et ignorent le tout.
L’approche holistique est la reconnaissance de l’homogénéité et de la plénitude de la vie. La vie n’est pas cloisonnée ; elle ne saurait être divisée entre spirituel et matériel, individuel et collectif. Nous ne pouvons créer des compartiments tels que le politique, l’économique, le social ou l’environnement. Tout ce que nous faisons - ou ne faisons pas - affecte et produit un l’effet sur le tout. Nous sommes à jamais organiquement reliés au tout. Nous sommes ce tout et nous évoluons en son sein. Le fait d’être conscients de cette unicité fondamentale nous interdit de reconnaître une quelconque séparation. C'est pourquoi cette approche holistique nous oblige à désapprendre tous les morcellements opérés au nom de la religion ou de la spiritualité, tous les cloisonnements au nom des sciences sociales, toutes les divisions au nom de la politique, toutes les séparations au nom des idéologies. Lorsque nous comprendrons la vérité, nous ne nous attacherons plus à ce qui est faux. Dès lors que nous reconnaissons le faux pour ce qu’il est, nous lui ôtons toute valeur ; nous le désapprenons au quotidien. Ce refus de toutes les formes du cloisonnement, vécu aux niveaux psychologique et psychique, est la source même d’une action sociale efficace.
Lorsque cette conscience du tout, de la plénitude, se lève en notre coeur, en même temps que la conscience de la relation de chaque être avec les autres, alors il n’est plus possible d’adopter une approche exclusive envers une partie ni de rester figés là où nous sommes. Dès que la conscience de l’ensemble est là, chaque moment devient sacré, chaque moment est sacré. Le sens de l’unité n’est plus un simple rapprochement intellectuel. Nous formerons un tout dans chacune de nos actions, pleins, naturels, sans effort particulier. Chaque action ou non-action aura ce parfum de totalité.

La Liberté Interieure est une Responsabilité Sociale
C’est à l’intérieur de nous-mêmes que trouve son origine la vision d’un monde fragmenté, d’un puzzle dont certaines pièces portent le nom d’‘ami’, d’autres celui d’‘ennemi’. Nous nous orientons sur nos territoires intérieurs comme sur ceux du monde extérieur, les qualifiant de bons ou de mauvais, et des guerres s’y déroulent tout comme à l’extérieur. Intérieurement, nous sommes divisés contre nous-mêmes ; le cœur veut une chose, l’intellect en veut une autre et les pulsions de notre corps une troisième: ainsi naît un conflit qui, bien qu’à une échelle modeste, procède de la même nature que les guerres dans le monde. Si nous ne savons pas vivre une relation à nous-mêmes en tant que tout, est-ce étonnant qu’il nous soit difficile de percevoir le monde comme un tout ? Si nous croyons que chacun d’entre nous est une sorte d’agglomérat plus ou moins disparate, fait de traits de caractère désirables et indésirables, de motivations contradictoires, de croyances mal digérées et d’idées préconçues, de peurs et d’insécurité, n’allons nous pas projeter tout cela sur le monde ?
Parce que la source du conflit humain, de l’injustice sociale et de l’exploitation réside dans la psyché humaine, c’est donc par là que nous devons commencer à transformer la société. Explorer l’esprit, la psyché humaine deviendrait alors un acte de compassion envers toute l’espèce humaine, non un but en soi ni une action égotiste. Il faut plonger à la source de la corruption de la société afin que toute nouvelle structure, tout système social né de cette investigation ait des racines suffisamment saines pour lui permettre de s’épanouir. Les structures sociales doivent changer, mais les motivations cachées et les postulats sur lesquels elles sont fondées doivent également changer. Les valeurs et les mobiles de l’action individuelle et collective qui cautionnent l’injustice et l’exploitation dans la société moderne doivent devenir le point de mire du changement, autant que la transformation des structures politiques et socio-économiques. Nous ne serons plus capables de permettre aux valeurs et aux mobiles qui sous-tendent le comportement personnel et collectif de demeurer dissimulés, non examinés. Un changement qui ne prendrait en compte qu’un remaniement superficiel des structures et des comportements, tout en préservant des fondations décadentes et malsaines, serait de courte durée.
Ceux d’entre nous qui ont dédié leur vie à l’action sociale ont considéré à ce jour que la moralité de l’individu, son éthique, ses motivations et ses habitudes s’inscrivaient dans le cadre de sa vie privée. Non seulement nous désirons cacher tout cela à l’opinion publique, mais nous désirons aussi le cacher à nos propres yeux. En vérité, la vie intérieure n’est pas un domaine personnel ou privé ; c’est le domaine du social par essence. L’esprit est le résultat d’un effort humain collectif. Il n’y a pas votre esprit d’un côté et mon esprit de l’autre ; il y a l’esprit humain. C’est un esprit humain collectif, qui s’est organisé et codifié à travers les siècles. Les valeurs, les normes, les critères sont autant de schémas de comportement organisés par la collectivité. Ils n’ont rien de personnel ou de privé. Nous pouvons fermer nos portes et avoir le sentiment que personne ne connaît nos pensées, mais ce que nous faisons dans ce temps soit disant privé affecte l’ensemble de la vie qui nous entoure. Si nous passons nos journées à nous sentir victimes de pensées et d’énergies négatives, si nous ouvrons la porte à la dépression, la mélancolie et l’amertume, ces énergies vont polluer l’atmosphère. Alors, où est donc la vie privée ? Nous avons besoin d’apprendre, au titre de notre responsabilité sociale, à regarder le mental comme un outil créé collectivement et à reconnaître que nos expressions individuelles sont des expressions de l’esprit humain.
Il est absolument nécessaire de se libérer intérieurement du passé, des formes de pensée, du mental collectif organisé, standardisé, si nous voulons nous rencontrer les uns les autres sans méfiance ni défiance, sans peur ; voir l’autre avec spontanéité, écouter l’autre sans aucune inhibition. L’étude du fonctionnement du mental et la découverte de la liberté intérieure ne sont ni une utopie, ni une attitude égotiste mais revêtent la plus haute importance pour que nous autres, êtres humains, puissions transcender les obstacles que la raideur de la pensée a dressés entre nous. Notre perception de nous-mêmes sera celle d’un être humain sans étiquette ; ni indien, ni américain, ni capitaliste ou communiste – mais un être humain, une totalité en miniature. Nous n’avons pas encore appris cela. Nous vivons ensemble sur cette petite planète, et pourtant nous ne pouvons pas vivre ensemble. Nous sommes physiquement proches les uns des autres, mais psychologiquement nous vivons à des kilomètres les uns des autres. Il est évident que l’éveil de la responsabilité sociale, dans son rapport avec la libération intérieure, est une question primordiale. Nous examinons le jeu du mental parce que nous souhaitons voir régner l’harmonie de la paix, parce que nous avons besoin de la joie de l’amour en nos cœurs, parce que nous nous soucions de la qualité de la vie que nous laisserons en héritage à nos enfants. Nous ne nous lançons pas dans une telle étude parce que nous cherchons un nouveau jouet ésotérique pour notre ego, ni même des expériences transcendantales pour satisfaire notre estime personnelle. Non, nous étudions le mental au titre de la responsabilité sociale ; nous reconnaissons que les racines de la violence, de l’injustice, de l’exploitation et de la convoitise résident dans la psyché humaine ; voilà pourquoi nous tournons le faisceau clair, lumineux et objectif de notre attention sur elles.
Nous sommes reliés organiquement, et nous devons vivre cette relation. Etre attentif aux différentes dynamiques de l’être ne revient pas à créer un réseau d’échappatoires pour éviter la responsabilité. Il ne s’agit pas de perpétuer un sens erroné de la supériorité : moi je suis sensible et pas vous. Il s’agit simplement de reconnaître que ce que nous appelons nos relations privées et collectives sont de peu d’importance, que ces relations stimulent le plus souvent la peur et l’anxiété, qu’elles nous entraînent vers la défensive. Si grand soit notre désir de paix, nous ne sommes pas encore mûrs pour la manifester, et cette immaturité affecte tout ce que nous faisons, toutes nos actions, même les plus nobles.
L’élimination du désordre intérieur se réalise chez ceux qui veulent vraiment devenir des êtres humains unifiés, créatifs pleins de vie et passionnés, et qui reconnaissent que l’anarchie intérieure et le chaos gaspillent l’énergie et se manifestent par un comportement social irresponsable et mesquin. Etre attentif requiert un immense amour de la vie. Ce n’est pas pour ceux qui choisissent de se laisser porter par la vie, ni pour ceux qui pensent que leurs actes charitables justifient leur laideur intérieure. La révolution totale que nous étudions n’est ni pour les timorés ni pour les pharisiens, mais pour ceux qui aiment la vérité plus que les faux-semblants, pour ceux qui désirent sincèrement, humblement, trouver une issue à tout ce gâchis que nous, chacun d’entre nous a contribué à créer par indifférence, par négligence ou par absence de courage moral.






Commander ce
    numéro
(version anglaise uniquement)


Vous abonner à
    What is
Enlightenment?

(version anglaise uniquement)


envoyer ce lien
à un ami



navbar
accueil numéros précédents page du fonadateur nous contacter nous aider