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Un philosophe du changement

entretien avec Yasuhiko Kimura



WIE : Qu'est-ce que la transformation spirituelle ?

Yasuhiko Kimura
: Au lieu de tenter de définir le terme, je voudrais d'abord examiner quelques facettes de ce que nous appelons en général transformation. La transformation, pour moi, est une danse d'un genre unique entre l'être et le devenir. L'être est dans le devenir et le devenir est dans l'être. Le terme " illumination ", ou éveil spirituel, se réfère plus au mouvement qui va du devenir à l'être, tandis que le terme " transformation " se réfère plutôt au mouvement qui va de l'être au devenir. L'éveil spirituel, comme mouvement depuis le devenir vers l'être, est le retour à l'être. La transformation, partant de l'être vers le devenir, est un mouvement de création. Donc, la transformation est partie intégrante de ce cycle d'évolution, c'est la complémentarité dynamique existant entre être et devenir.

WIE: Pouvez-vous décrire le processus que l'individu traverse dans ce mouvement depuis l'être vers le devenir ? Et nous dire ce qui en fait se transforme ?

YK : Ces dernières années, j'ai enseigné un modèle particulier de transformation, que j'appelle " la matrice d'apprentissage tri-formationnelle ". " Tri ", bien sûr, veut dire trois, et donc le facteur de formation comprend trois aspects de formation : l'information, la métaformation et la transformation.

L'apprentissage informationnel est ce que nous traversons généralement dans notre système éducatif et dans notre vie en général. Nous lisons des livres, nous écoutons des gens, nous acquérons du savoir et de l'expérience. Nous développons un corps de connaissances de plus en plus complet basé sur certains principes d'organisation. La métaformation est ce que l'on appelle également inspiration ou intuition ; c'est une forme supérieure de connaissance qui, d'une certaine manière, frappe à votre porte et vous rend conscient de quelque chose qui est éternel. Ainsi, quand cette intuition plus élevée, ou métaformation, se trouve intégrée dans votre apprentissage personnel du type information, alors vous commencez à reconfigurer le contexte tout entier du corps de connaissances que vous possédiez. En même temps, vous êtes capable d'incorporer ce savoir supérieur de métaformation dans l'ensemble de votre savoir précédent. Dans cette danse entre information et métaformation, une transformation prend place. La métaformation retourne à la source de votre être, ce fondement de votre être à partir duquel émerge une intuition nouvelle. Quand cette intuition se marie heureusement avec le corps de connaissances que vous possédez déjà, la transformation prend place. C'est ainsi que je comprends la transformation. Donc, d'un côté, il y a un binôme dynamique être-devenir, de l'autre côté, il y a une trinité, la transformation émergeant de la danse créative entre métaformation et information. C'est comme de l'alchimie. Autrefois, on essayait de transformer le plomb en or. Spirituellement parlant, l'or est le symbole de l'état transformé, le plomb est le symbole du matériel de base, mais ce qui arrive quand ce plomb devient or, c'est que d'une certaine manière le plomb se dissout lui-même dans le noumenon, la totalité cosmique, et à partir de là se crée la nouvelle dimension de l'être, que nous appelons or. Ceci est le processus de transformation, où la structure de l'ego se dématérialise pour se fondre dans le tout. À partir de là se crée réellement un nouveau soi, pour ainsi dire, sur la base du savoir que l'on tire de la métaformation. Vous devenez ainsi votre propre création, à partir de la connaissance cosmique que vous avez reçue. Une fois que ce processus a pris place, c'est une évolution sans fin. On peut dire alors que l'éveil est un déclencheur, ou le début d'une continuelle transformation évolutive.

Une transformation qui se transforme

WIE : J'aimerais vous demander comment le processus de transformation change lui-même pour s'accommoder à la vie du 21e siècle, surtout si l'on considère qu'une grande caractéristique de notre époque est l'accélération continue du changement. Comme l'a dit récemment l'inventeur et futuriste Ray Kurzweil :

Il y a quelques siècles, les gens ne pensaient pas que le monde changeait. Leurs grands-parents avaient eu la même vie qu'eux, ils s'attendaient à ce que leurs petits-enfants aient la même, et cette attente était largement confirmée (...) Ce qui n'est pas pleinement compris, c'est que le rythme du changement lui-même va en s'accélérant, et que ce qui s'est passé dans les vingt dernières années n'est pas une bonne indication de ce qui va se passer dans les vingt prochaines années. Nous doublons la vitesse de changement de paradigme, le taux de progrès, tous les dix ans. Nous verrons dans les deux prochaines décennies autant de progrès que ce que nous avons accompli pendant tout le 20e siècle, car nous avons accéléré à ce point-là. Le 20e siècle a représenté l'équivalent de vingt-cinq années de changement à sa vitesse actuelle ; et dans les prochaines vingt-cinq années nous accomplirons quatre fois les progrès constatés au 20e siècle. Et nous accomplirons 20 000 années de progrès au cours du 21e siècle, ce qui est presque mille fois plus en termes de changement technique que ce que nous avons connu au 20e siècle.
Dee Hock, le fondateur et le précédent président de Visa International, auteur du livre Birth of a Chaordic Age (" Naissance d'un Âge chaordique "), qui s'entretient également avec nous dans ce numéro, s'est fait récemment l'écho de ce point de vue en disant que le changement n'est pas ce qui va arriver, sûrement ou probablement, mais que le changement est la nature même de ce qui arrive déjà. Dans ce contexte, comment notre compréhension moderne de la transformation spirituelle doit-elle prendre en compte cette rapidité de changement ainsi que la complexité qu'elle crée ?

YK : C'est intéressant parce que ce qui se passe également avec cette rapidité de changement, c'est que le changement lui-même change. Le processus d'évolution lui-même évolue. Il y a une méta-évolution, ou un méta-changement qui prend place. Et dans ce processus, ce que l'on constate est un contraste toujours plus grand entre le changement et l'éternel, ou l'immuable. Personnellement, je deviens de plus en plus conscient de ce qui ne change pas dans le contexte de ce changement continuel que vous décrivez. Donc, plus vous êtes en phase avec le changement, plus vous vous mettez en phase avec ce qui ne change pas. D'une certaine manière, le contraste entre l'immuable et ce qui change devient bien plus distinct. Pour exprimer cela dans le langage que j'ai utilisé précédemment, ce n'est pas simplement le corps d'informations qui s'accroît, mais également l'accès à l'intuition métaformationnelle. Si l'on compare avec ce qui se passait il y a des centaines d'années, les gens deviennent réellement beaucoup plus conscients de ce qui est éternel. Donc nous vivons une période très excitante de l'histoire, où à la fois la métaformation et l'information sont en train de gagner une vitesse considérable. Nous sommes en train de transformer la transformation elle-même.

WIE : L'une des caractéristiques de cette vitesse croissante de changement, avec la complexité qu'elle présente, semble être un taux croissant de stress dans nos systèmes. Il est intéressant que certains scientifiques, parmi lesquels la biologiste évolutionniste Elisabet Sahtouris, pensent que ce stress pourrait être un facteur primordial de notre évolution même. En fait, elle dit que le stress est la seule chose qui crée l'évolution dans les systèmes naturels. Etes-vous d'accord sur le fait que le stress soit un facteur essentiel du processus de transformation ?

YK : Tout dépend de la façon dont on définit le stress. J'ai déjà discuté de ceci avec Sahtouris. Vous voyez, de manière générale, nous attachons une connotation négative au terme de stress. Il peut être vu comme quelque chose de négatif, mais il a également un impact positif. Selon ma définition, le stress est une réaction psychophysique à la perception du fait que nous avons perdu le contrôle. Par exemple, lorsque nous sommes confronté à un problème que vous ne pouvons résoudre en utilisant notre bagage de connaissances, cela engendre le stress. Quand on est mis devant un défi ou un problème plus important que ce qu'on a jamais connu auparavant, on est naturellement sous stress. Dans ce sens, c'est l'élément le plus saillant qui déclenche et impose la transformation. C'est pourquoi je demande souvent à mes étudiants de se poser une question à laquelle ils n'ont pas de réponse, ou bien de lire un livre qu'ils ne peuvent pas comprendre aisément. Cela engendre du stress. Et quand vient le moment où ils sont capables de répondre à la question ou de comprendre le livre, ils ont évolué. Donc, dans ce sens, je suis complètement d'accord avec Elisabet. On peut voir le même processus dans l'évolution biologique.

WIE : Qu'est-ce qui, dans le fond, permet toute transformation ? Qu'est-ce qui dirige le processus de la transformation humaine ?

YK : Ce qui dirige la transformation et l'évolution est la nature même de l'univers. Il y a une poussée évolutive allant dans le sens de l'optimisation, qui est inhérente à l'univers, donc plus vous êtes en phase avec cette poussée évolutive, plus il y a de chances que vous utilisiez cette poussée pour votre propre évolution. L'univers, pour moi, est comme un drame ou une pièce de théâtre qui se joue entre le zéro et l'infini. Entre les deux, nous avons toutes les voies possibles de l'être, et cet unique flux de l'évolution. Vous savez, nous utilisons souvent le mot de gourou pour indiquer un être éveillé guidant les autres. Mais si on regarde le sens du terme " gourou " en sanskrit, ou celui de " lama " en tibétain, on découvre qu'il signifie la force de l'intelligence qui travaille en vous et dans l'univers, en tant que principe d'évolution, syntropique (anti-entropique), créateur d'ordre et porteur de sens. Donc l'appellation " gourou " se réfère à votre propre conscience de ce principe. Plus vous êtes en résonance avec ce gourou, ce lama ou ce principe d'évolution en vous-même et dans l'univers, plus vous possédez le sens harmonieux de l'évolution cosmique interne et externe. C'est ce qui conduit la transformation. C'est dans la nature de l'univers. Cette poussée évolutive est là, à l'intérieur de vous-même. Vous pouvez essayer de la réduire, de l'ignorer, ou d'en être inconscient, mais c'est comme une fusée, si vous montez dedans, vous allez partir vers la lune.

WIE : Donc vous dites que si nous voulons vraiment embrasser le pouvoir de transformation de ce principe naturel, nous devons personnellement décider de nous joindre au processus d'évolution ?

YK : Oui. À moins d'avoir l'intention d'évoluer et de nous transformer de manière consciente, notre évolution spirituelle ne pourra avoir lieu. Ceci est l'un des cinq points importants, ou principes de l'éveil, que décrit le fondateur de votre revue, Andrew Cohenla participation volitive au processus de l'évolution.





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