navbar

table des matières

andrew cohen

yasuhiko kimura

le gourou et le pandit

père arseny

don beck

dee hock

récits de
transformation


Chaos et organisation naturelle

Transformation par conception



WIE : Dans votre livre Birth of the Chaordic Age (" La Naissance de l'ère chaordique "), vous décrivez comment vous avez utilisé les premier syllabes du mot "chaos" et du mot "ordre" pour décrire une forme dynamique d'organisation inspirée par les principes fondamentaux de l'évolution et de la nature. Votre travail, dont les fondements ont beaucoup à voir avec la théorie du chaos, nous demande de reconsidérer nos façons de nous organiser à la lumière de ces principes chaordiques élémentaires, et d'en finir avec le modèle mécaniste traditionnel, plutôt rigide, qui caractérise la plupart des organisations aujourd'hui.

DEE HOCK : Oui, et je veux rajouter quelque chose à cette définition ; " chaordique " décrit simplement le comportement de tout organisme ou système autogéré qui synthétise harmonieusement des aspects préalablement considérés comme opposés, tels que le chaos et l'ordre, ou la coopération et la compétition. Mais, avant tout, il s'agit d'une façon de penser. En fait, tout ce que je peux vous dire sur l'organisation chaordique, vous le connaissez déjà . Elle existe déjà en vous, parce que vous êtes organisé de façon chaordique. La nature a été organisée de cette façon depuis le début des temps, vous aussivotre cerveau, votre système immunitaireainsi que tout être vivant. En ce qui concerne l'organisation chaordique dans le domaine commercial, politique ou social, la question devient : est-il possible de l'évoquer ? de la faire surgir de son potentiel ?

WIE : Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la transformation organisationnelle ?

DH : Il y a longtemps, j'ai commencé à me poser trois questions très simples qui ont dominé ma vie pendant plusieurs années. Premièrement : " Pourquoi les organisations, partout, qu'elles soient commerciales, sociales ou religieuses, ont-elles de plus en plus de difficulté à mener leurs affaires ? " Deuxièmement : " Pourquoi, partout dans le monde, des individus se sentent-ils de plus en plus en conflit avec les organisations dont ils font partie et s'en sentent étrangers ? " Et troisièmement : " Pourquoi la société et la biosphère sont-elles de plus en plus en débâcle ? " Lorsque j'ai posé ces questions à mon auditoire il y quelques années, elles n'avaient pas beaucoup de pertinence pour la plupart des gens. Mais à la suite des événements récents, tels que le 11 septembre et l'effondrement de Enron et de WorldCom, leur validité est bien plus évidente. Si ces constats sont vraispour moi leur évidence saute aux yeux, il doit y avoir un principe profond, universel, sous-jacent, que nous n'avons pas saisi.

WIE : Comment aidez-vous les gens à comprendre les principes chaordiques en rapport avec les formes courantes d'organisation qui constituent une partie importante de notre vie ?

DH : Je me sers d'une illustration. Je demande aux représentants de grandes entreprises : Prenez toutes vous idées et croyances traditionnelles sur l'organisation et appliquez-les aux neurones de votre cerveau. Organisez les neurones de votre cerveau, cet organe infiniment diversifié, le plus complexe qui soit apparu dans l'histoire de l'évolution, de la même façon que vous organiseriez une entreprise. D'abord, il faudrait nommer un neurone PDG, n'est-ce pas ? Ensuite, vous devez décider quels neurones vont faire partie du conseil d'administration, puis lesquels vont s'occuper des Ressources humaines, et puis il faudra écrire un manuel d'utilisation. Si vous pouviez organiser votre cerveau selon ce modèle, qu'est-ce qui arriverait ? Vous seriez instantanément incapable de respirer jusqu'à ce que quelqu'un vous indique comment, où, quand et à quelle vitesse. Vous ne seriez pas capable de penser ni de voir. Et si votre système immunitaire était organisé selon ces mêmes idées ? D'abord il faudrait faire une étude de marché afin de déterminer quel virus vous a attaqué, s'il s'agit bien d'un virus. Ensuite, il faudrait rédiger un rapport décrivant votre plan d'action. Et il faudrait que ce rapport soit approuvé par les neurones dirigeants de votre cerveau. Ensuite, il faudrait transmettre des mots d'ordres à toutes les parties de votre système immunitaire. Bon, vous voyez. Comment arrivons-nous à croire que nous pouvons utiliser notre cerveau, qui est lui-même organisé selon ce magnifique ensemble de principes chaordiques, à organiser la société d'une façon qui serait supérieure ? Cela devient plutôt un exercice d'arrogance, une démonstration d'ego.

WIE : Donc, vous dites qu'il n'est pas logique que nous, qui faisons partie du grand " design " ou dessin complexe de l'évolution, pensions pouvoir organiser la société d'une façon supérieure à la façon dont la nature nous a si parfaitement organisés ?

DH : Exactement. C'est incroyablement arrogant et stupide.

LA FIN DU FLOTTEMENT

WIE : Avant de continuer de parler des raisons pour lesquelles nous devons dépasser nos vieux modèles, j'aimerais vous questionner sur le climat de changement qui entoure habituellement l'émergence des systèmes chaordiques. Nous venons d'interviewer Don Beck, un personnage important dans le domaine de la transformation de systèmes à grande échelle. Il met l'accent sur le fait que notre contexte actuel de changement accéléré et de complexité croissante génère le besoin de nouvelles formes d'organisation. Nous le citons :
Nous sommes au courant de ce qui arrive n'importe où sur la planète dix minutes après l'événement, et la télévision l'a filmé en direct. La complexité existait dans le passé, mais les informations arrivaient six mois plus tard avec le navire, ou peut-être par le télégraphe au bout de vingt-quatre heures. Aujourd'hui, tout ce qui se passe sur la planète se présente sous nos yeux en temps réel. Ceci est une des raisons pour lesquelles nous subissons autant de stress. C'est aussi une bonne raison pour chercher de nouvelles formes d'organisationdes ensembles de personnesparce qu'une personne individuelle n'aura plus la capacité de gérer mentalement ce flot d'informations.
Vous-même avez donné naissance à une nouvelle forme d'organisation. Ce que Don Beck décrit correspond-il à votre expérience ?

DH : Je suis d'accord avec ce que dit Beck. Je pense toutefois qu'il sous-estime l'enjeu. J'utilise deux notions pour faire comprendre mon propos : le " flottement " et la " CRUSTTI "qui est l'acronyme de Capacité de Recevoir, Utiliser, Stocker, Transformer et Transmettre de l'Information. Vous vous souvenez probablement des temps où un chèque mettait souvent plusieurs semaines à faire son chemin à travers le système bancaire. Ceci s'appelait " flottement ". Ce flottement était utilisé pour créer du capital à risque. Alors, réfléchissons à d'autres formes de flottement. Prenons le flottement de l'information (dont parlait Don Beck) : si nous regardons quelques siècles en arrière, il a fallu, par exemple, presque cent ans pour que la connaissance de la fonte du minerai de fer traverse un continent. Cela a amené l'Âge de Fer. Quand les hommes ont atterri sur la lune, on l'a su aux quatre coins de la planète en une seconde et demie. Pensez au flottement technologique : il a fallu des siècles pour que la roue soit universellement adoptée. Aujourd'hui, n'importe quel outil microscopique peut être utilisé sur la planète entière en quelques semaines. Regardons le flottement culturel : avant, cela prenait des siècles pour qu'une culture apprenne même l'existence d'une autre ou en reçoive le moindre élément. Aujourd'hui, quelque chose qui devient populaire dans un coin du monde peut déferler sur les autres pays en quelques semaines. Considérez le flottement de l'espace : en une centaine d'années seulement, le temps d'une longue vie humaine, nous sommes passés de la vitesse du cheval au voyage interstellaire. Le temps de déplacement de personnes ou de matériel qui se compte à présent en minutes se comptait auparavant en mois. Enfin, voyez le flottement de la vie elle même : la durée qui a été nécessaire pour l'évolution de nouvelles formes de vie s'effondre maintenant avec la manipulation génétique.

Nous nous trouvons donc face à une réduction drastique du flottement concernant le changementle temps entre ce qui était et ce qui va être, le temps entre le passé et le futurde sorte que le passé sert de moins en moins à prédire, que l'avenir est de moins en moins prévisible, et que tout contribue à accélérer le changement, avec une seule exception : nos institutions. Il n'y a pas eu de concepts véritablement nouveaux de l'organisation depuis l'émergence il y a plusieurs siècles des notions d'état-nation et d'entreprise corporative.

Encore plus importanteet il faudra réfléchir sérieusement à cette questionest l'histoire de ce que j'appelle la " capacité de recevoir, utiliser, stocker, transformer et transmettre de l'information ". Si nous retournons à la première forme de vie unicellulaire, il est clair qu'elle possédait la capacité de recevoir, utiliser, stocker, transformer et transmettre de l'information. Cette capacité précède la cellule elle-même, puisque c'est la définition de l'ADN. La clé pour comprendre ce dont parle Don Beck est de savoir que plus est importante la capacité d'une entité de recevoir, utiliser, stocker, transformer et transmettre de l'information, plus cette entité est diversifiée et complexe. On peut retracer l'évolution de cette capacité de la particule au neutron, au noyau, à l'atome, à l'acide aminé, à la protéine, à la molécule, à la cellule, à l'organe, puis à l'organisme. Ou bien, ainsi que j'aime le formuler : de la bactérie à l'abeille à la chauve-souris à l'oiseau au buffle qui la renvoie directement au joueur de base-ball.

L'évolution a poursuivi son chemin et, avec le temps, cette capacité de recevoir, utiliser, stocker, transformer et transmettre de l'information à échappé à l'entité individuelle pour devenir partagéecomme le chant des oiseaux, le sonar des chauve-souris, le phéromone des fourmis, le langage des humains. Avec la capacité de communiquer est immédiatement venue dans l'évolution les communautés complexes d'organismes, tels que les essaims, les troupeaux, les tribus, etc. Le langage a été une énorme expansion de la capacité de traiter de l'information. La conséquence immédiate a été un grand bond vers la complexité sociétale. La même chose s'est passée avec les mathématiques, le premier langage globalune énorme croissance de la diversité et de la complexité sociétales. Avec l'imprimerie, la capacité de traiter l'information s'est encore élargie en incluant ce qui peut être mécaniquement enregistré et transporté. Ensuite le télégraphe a mené à la capacité électronique, le téléphone a transporté la voix, la télévision a augmenté la capacité visuelle. Chacune de ces expansions a été immédiatement suivie d'un énorme croissance de la complexité sociétale.





Commander ce
    numéro
(version anglaise uniquement)


Vous abonner à
    What is
Enlightenment?

(version anglaise uniquement)


envoyer ce lien
à un ami



navbar
accueil numéros précédents page du fonadateur nous contacter nous aider